12
La rage, la fuite et le privilège

Béorf avait senti ses muscles se gonfler et devenir plus durs que la pierre. Une double rangée de griffes, effilées comme des couteaux, surgit de ses doigts et de ses orteils. De grandes canines solides et pointues avaient remplacé sa dentition normale en lui déformant le visage. Le garçon n’était plus un homme ni même un ours. Il était devenu la représentation corporelle de sa rage. Il avait quatre fois la taille de sa forme animale, et son métabolisme était surpuissant. Ses cinq sens, en alerte, avaient eux aussi gagné en précision et en force.

Le monstre du bassin des nagas, un immense poisson-chat, ouvrit grandes ses gigantesques mâchoires et avala d’un coup le béorite en colère. Mais, aussitôt fait, la bête ressentit une forte douleur à l’estomac, puis, constatant que le mal devenait insupportable, essaya de recracher sa proie. Béorf, qui avait bien pris soin de déchirer avec ses griffes le conduit menant au ventre de son adversaire, était en train de lui trouer l’intérieur du corps. À grands coups de pattes, le béorite se frayait un chemin à travers les viscères pour ressortir par l’abdomen.

Lorsque l’hommanimal s’extirpa enfin du monstre pour remonter à la surface, une marée de sang envahit les eaux du bassin. Tout autour, les spectateurs nagas poussèrent des exclamations de surprise. Eux qui croyaient être étonnés de la quantité de sang perdu par le condamné, restèrent bouche bée en voyant sortir du lac une créature qu’ils n’avaient jamais vue.

Toujours aussi furieux, Béorf cracha des paroles incompréhensibles, puis exécuta un bond spectaculaire, en prenant appui sur le cadavre du monstre, ce qui lui donna l’élan nécessaire pour atteindre la plateforme. Les spectateurs se frottèrent les yeux d’incrédulité pendant qu’une clameur se répandait parmi eux.

En voyant surgir le béorite enragé, le bourreau qui avait à peine eu le temps de savourer les applaudissements de son public saisit un sabre et s’attaqua à son adversaire. Il voulut lui assener un coup à la tête, mais Béorf saisit la lame entre ses dents. Comme s’il s’agissait d’une simple tige de métal mou, il la plia en serrant les mâchoires. Ses dents traversèrent le fer comme un couteau s’enfonce dans du beurre. Le nagas n’eut que le temps d’amorcer un mouvement de recul avant que le poing de l’hommanimal ne lui défonçât le crâne. Mort sur le coup, le bourreau glissa mollement de sa passerelle et alla rejoindre le répugnant poisson-chat.

Sans perdre une seconde, Béorf exécuta un autre formidable bond qui le projeta sur les gradins. La panique s’empara de la foule et tous se précipitèrent vers les sorties. Quelques braves se jetèrent sur le béorite, mais ils se rendirent vite compte de leur erreur. En quelques secondes, deux d’entre eux pataugeaient déjà dans le lac, trois autres gisaient sur le sol et un dernier fut propulsé si loin qu’on aurait dit qu’il volait.

Une dizaine de gardes lourdement armés se ruèrent sur Béorf pour le maîtriser. Ceux-là ne furent pas plus chanceux que les autres, car ils mordirent rapidement la poussière. Dents cassées, muscles déchirés, mâchoires disloquées ou membres tordus, ils s’enfuirent en se lamentant et en réclamant du renfort.

Ce fut le général Karmakas en personne qui se présenta devant le béorite en furie, entouré bien sûr de son escorte militaire. Il commanda à deux de ses meilleurs hommes de calmer les ardeurs de l’hommanimal, ce qui ne fit qu’exciter davantage la rage de ce dernier. Béorf ne fit qu’une bouchée du premier en lui expédiant un coup de pied extraordinaire dans l’abdomen, alors que le deuxième, plus coriace, eut besoin de trois bonnes claques au visage avant de s’effondrer comme une chiffe molle. Le golem ordonna donc à tous ses hommes de foncer sur le béorite et n’en crut pas ses yeux de les voir aussi tomber un à un, telles des feuilles mortes.

— Dois-je toujours, siii, m’occuper de tout, ici ? marmonna Karmakas en poussant un soupir d’exaspération. On n’est jamais mieux, siii, servi que par soi-même !

Il attrapa l’hommanimal par-derrière et, en le maintenant sous les bras, il lui donna une bonne dizaine de coups de tête sur le crâne. Insensible à cause de son corps de pierre, le golem sourit à l’idée d’achever ainsi son ennemi. Or, les béorites, qui déjà avaient la tête dure en temps normal, devenaient encore plus résistants dans les moments cruciaux.

D’un habile mouvement, Béorf se propulsa dans les airs et retomba sur ses pieds, tout juste derrière Karmakas. Le nagas se sentit alors soulevé de terre et, sans vouloir admettre que l’hommanimal le tenait à bout de bras, il fit lui aussi un plongeon forcé dans le bassin du défunt monstre. Comme il était surtout composé de pierre, le golem coula à pic en blasphémant.

En quelques bonds, le béorite quitta l’arène du lac pour la grand-place de Bhogavati. Toujours en état de rage guerrière, il fonça à toute allure vers le temple Seth Wat en espérant sortir au plus vite possible de cette cité de serpents. Durant sa course, Béorf blessa sérieusement une bonne centaine de gardes qui essayèrent, à tour de rôle, de l’arrêter. Il reçut une vingtaine de flèches empoisonnées, aussi bien dans le dos que sur les jambes, qui ne réussirent même pas à le ralentir. Son système sanguin, surchauffé par la rage guerrière, filtra un à un les poisons sans que ceux-ci l’affaiblissent un tant soit peu.

Tel un carreau expulsé de son arbalète, l’hommanimal sortit de la cité nagas dans un nuage de poussière. Pas un garde n’essaya de le suivre et même plusieurs d’entre eux applaudirent lorsqu’ils le virent prendre la direction des montagnes.

Ce n’est qu’au bout de plusieurs heures de course à vive allure que Béorf buta contre un arbre qu’il avait pris pour une créature menaçante. Épuisé par ce dernier effort, il s’endormit à son sommet, entre deux branches et, de ce fait, reprit tout doucement sa forme humaine.

 

***

 

La nuit était tombée et Bhogavati s’était apaisée. La journée avait été éprouvante pour les autorités de la ville qui n’avait jamais vu, au cours de sa longue histoire, un prisonnier sortir de ses murs. Le roi Serpent XIV, qui avait assisté depuis le balcon de son palais au triste événement du lac, ne s’était pas gêné pour admonester ses généraux et pointer du doigt Karmakas pour son incompétence. Le golem, encore humide de son passage dans le bassin, était demeuré silencieux devant son roi et avait encaissé tous les reproches sans sourciller.

Le procès de Lolya devait avoir lieu le lendemain, au lever du soleil. Les trois jours d’audience qu’avaient prévus les juges pour satisfaire le peuple avaient bien mal débuté. Cette deuxième journée devait être riche en émotions pour faire oublier la première, et chacun s’attendait maintenant à ce que les tortures infligées à l’accusée après sa condamnation soient spectaculaires. Il n’y avait pas eu de procès depuis fort longtemps à Bhogavati et les nagas avaient soif de ce divertissement.

Les hommes-serpents, qui raffolaient des spectacles sordides, s’étaient lassés des combats de gladiateurs qu’on présentait auparavant presque tous les soirs, sur la grand-place. La mode était maintenant aux procès d’innocentes victimes qui subissaient l’humiliation publique avant d’être sacrifiées. C’était le roi Aspic XI qui avait lancé cette nouvelle activité afin de stimuler son peuple. Lorsqu’il avait été empoisonné pour faire place à Cobra IV, ce dernier avait organisé des raids dans tout le pays afin de trouver toujours plus de prétendus coupables à condamner publiquement. Ç’avait été l’âge d’or des procès publics au terme desquels avaient été exécutés des milliers d’humanoïdes de toutes les races et de toutes les cultures. Enfin, lorsque Cobra IV avait été poignardé par les nagas de Serpent XIV, le nouveau roi s’était vu confronté à un grave problème. Il n’y avait plus personne à des centaines de lieues de la cité et donc plus aucune source d’approvisionnement de gens à sacrifier. Tous les villages avaient été vidés et toutes les routes menant vers l’est étaient devenues désertes. Béorf, Lolya et Médousa tombaient donc à point pour amuser le peuple et lui faire oublier ses longues journées d’ennui.

— Je veux sortir d’ici, grogna Lolya qui grelottait au fond de son trou humide.

Plusieurs fois, la jeune nécromancienne avait essayé d’escalader les murs, mais toujours sans succès. L’humidité de la pierre rendait l’ascension impossible. Même avec l’aide de la dague de Baal, ses efforts s’étaient avérés inutiles.

— Il n’y a donc rien que je puisse faire pour m’extraire de ce lieu puant ? marmonna-t-elle en serrant les dents.

— Nous avons passé en revue chacun de tes sorts, répondit la dague. Tu ne disposes pas des ingrédients de ceux que tu connais par cœur et tu ne connais pas les formules de ceux qui pourraient vraiment nous aider. Tu as raison, il n’y a rien à faire, nous sommes coincées ici…

— Et une porte dimensionnelle comme celle de la bataille de Berrion ? Tu te souviens ? Nous avions ouvert un passage entre Berrion et Upsgran !

— Depuis qu’on nous a lancées dans ce trou, je te répète que les astres ne nous sont pas favorables, déclara Aylol. Aussi, nous pourrions nous perdre et ressortir n’importe où…

— Si seulement j’avais mes grimoires et quelques poudres, grommela encore la jeune Noire.

— Mais tu n’as rien de tout cela et je ne peux pas te les faire apparaître ! s’impatienta Aylol. Tout ce que je peux faire, c’est amplifier la puissance de ta magie…

— Je sais…, soupira Lolya, je sais… Je me demande bien ce qu’Amos devient et ce qu’ils ont fait de sa statue.

— Pfff ! fit la dague. Encore lui, toujours lui ! Si tu te préoccupais autant de ta magie que de ton amour pour lui, je suis certaine que nous serions déjà sorties de ce trou ! Je n’ai pas envie de finir comme ces bouts de squelettes qui couvrent le sol…

— Hum, hum, approuva distraitement Lolya dont les pensées étaient toujours dirigées vers Amos. Attends ! Mais qu’est-ce que tu viens de dire ?

— Je disais, répéta la dague, que nous serions déjà à…

— Non ! l’interrompit Lolya. Après !

— Je n’ai pas envie de finir comme ces squelettes qui…

— J’ai trouvé ! Ça y est ! s’écria la jeune fille. Je sais comment nous sortir de là !

— Ah oui ? interrogea la dague, un peu méfiante. Je t’écoute…

— Je connais par cœur une petite formule qui est l’une des premières que les maîtres enseignent aux nouveaux élèves. Il s’agit d’une petite prière aux morts qui leur fait remuer les doigts et les orteils. Si tu m’accordes toute ta puissance, Aylol, je suis certaine que nous pourrons contrôler les ossements.

— Tu rêves ! fit la dague en rigolant. Il faut beaucoup d’expérience pour se faire obéir des morts, et les os, sans l’âme qui les habitait autrefois, resteront immobiles dans la boue.

— Écoute ! insista Lolya. Cesse tes jérémiades et accorde-moi ta puissance ! Nous verrons bien si… À moins que… Ah ! je comprends ce qui se passe ! Tu te vantes sans cesse de tes pouvoirs, mais, dans les faits, tu es aussi limitée qu’une sorcière novice ! Tu as peur d’échouer… Mais je comprends que…

— Tu doutes de moi ? Eh bien, je t’ouvre à la puissance du deuxième niveau des Enfers ! Plante-moi dans le sol et fais ta petite incantation ridicule, nous verrons bien ce qui se passera !

Sans attendre, la nécromancienne enfonça dans la boue la lame maudite. Elle prononça plusieurs fois ses paroles magiques et demanda aux ossements des défunts de lui venir en aide.

La terre commença à vibrer sous ses pieds. Puis trois morts vivants, à demi squelettiques, s’extirpèrent du sol en soufflant des paroles inaudibles. Affublés de leurs vêtements en lambeaux, ils entourèrent Lolya, avant que l’un d’eux ne s’adresse clairement à elle :

— Qui a sollicité notre aide ?

— C’est moi, répondit la jeune Noire en tremblant de tous ses membres. Qui êtes-vous ?

— Nous sommes les restes de trois prisonniers qui, jadis, furent condamnés à être enterrés vivants à la suite d’un procès injuste, expliqua un autre. Nous sommes morts depuis longtemps, mais nous sommes à votre service. Que pouvons-nous faire pour vous ?

— Je veux sortir d’ici et fuir cette ville ! s’exclama Lolya, maintenant confiante. J’ai aussi besoin de mes ingrédients de magie et j’aimerais savoir ce qui est arrivé à mes amis.

— Nous pouvons vous aider à quitter ce trou et à récupérer vos biens, répondit le troisième. Cependant, nous ne possédons pas les aptitudes voulues pour enquêter sur la disparition de vos proches.

— Bon, très bien, fit Lolya en retirant sa dague du sol. Alors, éloignez-moi seulement de cette ville, je vous prie. Ensuite, je verrai bien comment venir en aide à mes amis.

Les trois zombies grimpèrent les uns sur les autres, constituant une colonne pour atteindre la grille du cachot. D’un habile mouvement, le squelette du dessus ouvrit le verrou et renversa discrètement la trappe. Lolya grimpa alors les corps des morts vivants comme s’il s’agissait d’une échelle et se retrouva bien vite à l’extérieur.

— Personne dans les environs, lança-t-elle en invitant ses nouveaux acolytes à la suivre.

Ravies, les trois créatures s’extirpèrent de leur tombeau.

— Je connais un passage par le temple Seth Prohm qui mène à l’extérieur de la ville, déclara de sa voix caverneuse l’un des morts vivants. À l’époque où j’étais esclave, j’ai travaillé à sa construction.

— Je le connais aussi, dit le deuxième. Je me charge de récupérer le matériel de la jeune fille, confisqué par les nagas. Je vous retrouve dans les marais noirs, à la sortie du tunnel.

— Mais comment allez-vous savoir ce qui m’appartient ? demanda Lolya.

— Cesse de poser des questions stupides, intervint la dague de Baal. Parce que tu les contrôles, ils savent d’instinct ce qui est à toi. Maintenant, partons d’ici…

— Oui, c’est ça, très bien, fuyons avant que…, fit Lolya avant d’être interrompue par le sifflement d’un garde nagas qui venait de les surprendre.

Comme l’homme-serpent s’apprêtait à souffler dans son cor pour signaler l’évasion d’un prisonnier, les deux squelettes présents s’élancèrent vers lui avec une surprenante rapidité. Ils le plaquèrent au sol sans que le nagas puisse se défendre. Lolya ordonna aux morts vivants de le ligoter et de le bâillonner, puis de l’enfermer dans la prison puante qu’elle venait de quitter.

Plus tard, sous le couvert de la nuit, Lolya et les trois morts vivants s’enfuirent ensemble de Bhogavati. Lolya espérait de tout son cœur que Béorf et Médousa fussent encore en vie.

 

***

 

Le roi Serpent XIV avait été élevé à l’ancienne et gouvernait de façon très dure. Dès son plus jeune âge, il avait été soumis au traitement du « bain », une coutume nagas qui consistait à plonger les nouveau-nés dans un récipient d’eau glacée. Si le bébé en ressortait en tremblant ou bleu de froid, on en déduisait qu’il serait, en grandissant, une lavette à peine digne d’être nourrie. Le futur roi, contrairement à beaucoup de nourrissons, était demeuré impassible durant son épreuve, signe de sa très grande force de caractère. Son subconscient avait gardé de cette déplaisante baignade le sentiment d’avoir été trahi par ses parents et il n’avait plus jamais fait confiance à personne.

Pour Serpent XIV, il n’existait qu’une seule façon de conserver sa place sur le trône de Bhogavati : les nagas devaient tous manger à leur faim et s’amuser constamment. Pour se maintenir au pouvoir et éviter les complots, le souverain se devait de leur fournir des sensations fortes. C’est pourquoi Serpent XIV avait mis de côté l’art théâtral ancestral des hommes-serpents pour présenter des œuvres ultraviolentes où, très souvent, les acteurs devaient réellement se battre entre eux. On pouvait assister à de véritables morts sur scène, sous les applaudissements des spectateurs. Dans l’une des œuvres, écrite de la main royale, un des personnages devait être torturé et déchiqueté par un ours. L’acteur qui jouait ce rôle avait été remplacé pour la dernière scène par un condamné à mort dont l’animal affamé n’avait fait qu’une bouchée. Cette soirée de théâtre avait été un triomphe !

Ce matin-là, furieux de n’avoir pu présenter à ses sujets le spectacle sanglant qu’auraient pu offrir les exécutions du béorite et de la fille noire, le souverain exigea qu’on lui amène la gorgone. Médousa fut sortie de sa cage et traînée par les pieds jusqu’au trône du roi. Devant Serpent XIV, les gardes lui interdirent de se relever et c’est la face contre terre, dans la saleté et la poussière, que la prisonnière dut écouter les raisons pour lesquelles on l’avait amenée là.

La pauvre n’en menait pas large. Les yeux toujours bandés et le corps couvert de coupures, d’ecchymoses et de plaies infectées, elle avait la certitude qu’elle mourrait bientôt. Ses jambes n’avaient plus la force de la porter et son âme, plus l’énergie de lutter pour sa vie. La gorgone souhaitait mourir le plus vite possible afin que s’arrête sa souffrance et que se termine rapidement l’humiliation.

« C’est une siii vilaine créature ! pensa Serpent XIV lorsqu’elle fut jetée à ses pieds. La nature a de ses siii étranges façons de se manifester qu’elle demeure souvent incompréhensiiible. »

Le souverain avait une idée derrière la tête : il voulait créer un nouveau jeu pour son peuple. Une grande joute de chasse à la gorgone où une centaine de chasseurs s’affronteraient pour décrocher le premier prix.

Le jeu, fort simple, consisterait à laisser partir la gorgone une journée avant le début de la chasse et à offrir à celui qui ramènerait sa tête le droit de faire exécuter dix nagas de son choix. N’importe qui, excepté le souverain bien entendu, pourrait être exécuté selon le bon vouloir du vainqueur. De plus, le meilleur chasseur pourrait choisir la façon dont ses victimes seraient mises à mort. Prêtres, notables, soldats ou même des membres de la famille royale vivraient avec une épée de Damoclès au-dessus d’eux.

— Petite souillure, siii vulgaire et laide, dit Serpent XIV à Médousa. Je te fais le grand privilège de ma siii magnifique présence, car tu seras la première proie d’un siii excitant jeu que je viens siii habilement de créer pour le bonheur de mon siii superbe peuple.

Pour les nagas qui inséraient toujours à intervalles réguliers des « siii » dans leurs phrases, il n’existait pas de façon de parler plus soignée que celle consistant à intégrer ces sons sifflants dans les mots. Serpent XIV était un spécialiste de cette forme linguistique très sophistiquée et faisait l’admiration des professeurs et des intellectuels de Bhogavati.

— Répugnant monstre aux pouvoirs siii dangereux, continua l’altesse royale imbue de ses prouesses linguistiques. Je t’accorde le siii grandiose privilège de servir d’amusement aux ciiitoyens de la plus ciiivilisée des ciiités de ce monde siii imparfait.

À l’entendre ainsi déclamer, plusieurs gardes s’extasièrent devant cette poésie parfaite aux accents enchanteurs. Le roi était un orateur de génie et ses mots ressemblaient à une délicate dentelle.

— Un siii grand honneur pour une siii vile créature est sans doute, siii je puis me permettre, l’apogée de ta siii misérable vie ! continua Serpent XIV, visiblement content de son effet auprès de ses soldats. À cause de ce siii stupide golem d’ancien nagas de Karmakas, le procès de l’homme-ours fut un siii lamentable échec que j’en demeure encore siiidéré. Ta petite copine noire s’est aussiii enfuie d’une bien étrange façon, siii bien que la siiituation m’oblige à revoir les divertissements de ma ciiité ! Nous allons te marquer au fer rouge, siii chaud qu’il te laissera la nouvelle marque significative des officiiielles proies nagas.

Médousa sentit la brûlure du tisonnier lui griller la peau de l’épaule droite. Elle eut envie de hurler, mais se contenta de pleurer en silence. La marque d’un cercle contenant la lettre « S » à l’envers lui resterait à jamais imprimée sur le corps. Sur la plaie fumante, les soldats versèrent de l’alcool pour raffermir les tissus et recommencèrent de nouveau le marquage. Cette fois, Médousa ne put s’empêcher de crier comme un porc qu’on égorge. Son cri fit sourire le roi qui ordonna un troisième passage du fer rouge sur la lésion. La gorgone en larmes couina de douleur, puis implora qu’on arrête la torture.

— Maintenant, petite pleurnicharde siii touchante, ironisa le roi, nous allons te faire soigner par nos siii compétents médecins. Tu passeras trois longues journées à siiiester avant que nous te siiignalions qu’il est temps de t’enfuir. Ensuite, nous enverrons des dizaines de chasseurs à ta poursuite ! J’espère que tu ne leur rendras pas la tâche siii faciiile… Ce jeu deviendra siii populaire siii tu n’hésites pas à te défendre ! Rappelle-toi que siii tu te laisses avoir, tu auras la tête sciiiée !

Serpent XIV fit alors signe à ses soldats de conduire la gorgone à ses docteurs pour qu’ils la préparent adéquatement pour le jeu. La chasse pourrait ainsi débuter bientôt.

 

Le Masque de l'Ether
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